Voici un bref coup de gueule sur un phénomène boursier qui m’inquiète. Je viens de lire un bref article de Karl Eychenne pour le journal La Tribune qui parle des conséquences du rebond de l’emploi aux Etats Unis. A priori il parle des marchés financiers américains, mais cette logique pourrait tout aussi être valable pour nos bourses européennes.
Si on lit cet article entre les lignes, on se rend compte que le rebond de l’emploi (donc la baisse du chômage) est considéré comme une très mauvaise affaire pour les investissements boursiers. Un marché de l’emploi dynamique fait renchérir les salaires donc se répercute directement sur les marges de l’entreprise. Cette inflation est souvent absorbée, à minima temporairement par les entreprises qui doivent ensuite augmenter leur prix de vente auprès des clients. L’acceptation par le client final de cette augmentation de prix est critique pour le business des entreprises et difficile à obtenir dans un marché concurrentiel.
En suivant cette logique, un rebond de l’emploi qui est considéré par la majorité des gens comme le signe d’une richesse retrouvée, est une mauvaise chose pour les investisseurs boursiers. Ils n’y voient qu’un danger pour des entreprises mises en tension. Les investisseurs en bourse aux Etats-Unis préfèrent donc parier sur un chômage endémique plutôt que sur une richesse partagée avec des salariés.
Encore un point de vue de gauchiste ?
J’ai personnellement toujours trouvé que ceux qui dénoncent les investisseurs boursiers comme responsables de la paupérisation de masse exagérait largement. Pour moi la richesse des entreprises passe par un capital humain bien géré. Parier sur la culture d’entreprise, la formation, l’expertise, les parcours professionnels et l’investissement en retour de ses salariés est une logique gagnante qui vous permet de démultiplier votre chiffre d’affaires. Une sorte de pédale d’accélération sur laquelle appuyer votre croissance de façon pérenne. Une part importante du trésor de guerre que peut réunir votre entreprise.
L’industrie n’est pas comme le commerce une simple histoire de logistique et de valorisation de vos achats de matière première. C’est un moteur complexe qui, lorsqu’il est bien réglé, peut s’appuyer sur la puissance de vos forces vives. Vous pouvez dépasser la simple mise en forme de matière brute et ajouter la valeur humaine de vos salariés à l’équation.
La valeur d’une industrie n’est pas une affaire de comptables que l’on peut calculer sur Excel. C’est le rendez-vous entre un visionnaire, un individu qui a trouvé une formule de création de valeur s’appuyant sur la démultiplication de sa force de travail et sa clientèle. Cette démultiplication au-delà des investissements matériels, c’est justement les salariés de l’entreprise. Plus ils sont compétents, bien choisis et nombreux, plus la puissance de l’entreprise peut se déployer.
Ok, mais comment on fait rentrer tout ça sur Excel ?
Vous allez me dire que j’ai une vision très romantique ou théorique de l’entrepreneuriat. Une conception qui s’accommode assez peu d’indicateurs vérifiables qui pourraient être utilisés dans un algorithme. C’est aussi le cas de divers cygnes noirs de l’industrie (Loreal, Apple, Tesla,…) qui ont su dépasser toutes les prévisions pour pulvériser les compteurs du vraisemblable. Des entreprises qui sont les enfants de visionnaires qui ont su proposer à leurs clients une valeur ajoutée ne s’appuyant pas seulement sur l’exclusivité d’une matière première ou des investissements matériels. Un modèle qui s’appuie largement sur la vision de son patron, l’expertise ou la force de travail de ses employés.
Au risque de me répéter : J’ai personnellement toujours trouvé que ceux qui dénoncent les investisseurs boursiers comme responsables de la paupérisation de masse exagérait. Mais il faut avouer que dans les faits, si l’on en croit cet article de presse, ils n’ont pas tort.
Alors, je pose la question : Est-il bien sérieux de laisser les boursicoteurs investir sur la pauvreté de masse plus que sur le rebond de l’emploi ?
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